Fragment de thérapie

Scott Peck (1936-2005), fut un étrange psychiatre. Un des rares à traiter si ouvertement, en occident, de psychothérapie comme aurait pu le faire un religieux. Hormis ce trait, alors singulier; dans son ouvrage très traduit et vendu : Le chemin le moins fréquenté, il retranscrit un échange tenu avec un patient alcoolique :

« — Il n’y a rien d’autre à faire le soir à Okinawa que boire, m’expliqua-t-il.

— Est-ce que vous lisez ?

— Oh oui ! j’aime lire, bien sûr.

— Alors pourquoi ne lisez-vous pas au lieu de boire ?

— Il y a trop de bruit dans la caserne.

— Pourquoi n’allez-vous pas à la bibliothèque ?

— C’est trop loin.

— Est-ce que la bibliothèque est plus éloignée que le bar où vous allez ?

— En fait, je ne suis pas un fanatique de lecture.

— Vous aimez pêcher ?

— Oh oui ! j’adore.

— Alors pourquoi n’allez-vous pas pêcher au lieu de boire ?

— Parce que je travaille toute la journée.

— Vous ne pouvez pas aller pêcher le soir ?

— Non, il n’y a pas de parties de pêche nocturnes à Okinawa.

— Mais si, je connais quelques groupes qui pèchent le soir. Voulez-vous que je vous mette en contact avec eux ?

— En fait, je n’aime pas vraiment la pêche.

— Ce que vous êtes en train de me dire, résumai-je, c’est qu’il y a d’autres choses à faire le soir à Okinawa que boire, mais que c’est ce que vous préférez faire.

— Ben oui, je suppose. »

Plus qu’un déni manifeste, une conscience éméchée ? Ce patient ne portait pas moins, là, son inconscient à fleur de peau.
 

 

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S. Raymond Aïgba

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