Un essai de P. Pujol, s’ouvre, presque, sur un brin de vécu que le souple regard d’une enfant soutient encore avec la drôlerie d’une renversante naïveté pour un regard averti.
De telles perceptions mobilisées, souvent, par l’enfant pourraient parer à une rudesse du réel sans augurer d’un salut :
« La petite fille de Bahuwa veut me montrer quelque chose « de trop mignon », sautillant comme la gamine de 8 ans qu’elle est, jusqu’à la porte d’appartement défoncée, en face du leur. « Ils sont toujours là », chuchote-t-elle avec la voix de la Cendrillon de Disney. « Pitit pitit pitit… Tss… Tss… Viens, allez, viens ! » Main tendue, elle s’approche, penchée en avant, comme un chat qui chasse. Puis à vingt centimètres, dans un crissement presque humain, un gros rat s’engouffre d’un bond dans un conduit où l’on en devine d’autres. « Il est trop mimi, non ? » Un rat ! La gamine essaye de caresser les rats ! Bien gras, le poil bien dressé, la queue bien longue et l’œil bien noir… À grandir parmi les rats, on s’en fait des compagnons. C’est loin d’être un cas isolé. Je verrai la même scène, une fois, dans la cité Maison-Blanche où sévissent les mêmes marchands de sommeil qu’à Kalliste. Un élu me racontera la même chose dans la cité de la Renaude. Et j’ai beau, dans mon boulot, être régulièrement confronté à des scènes de crimes pas beaux à voir, ce sera cette petite fille et ses rats qui m’auront le plus chamboulé ».
Pujol, P. (2016) La Fabrique du monstre
S. Raymond Aïgba